Lucas Daminiani, sous le maillot biterrois, a prolongé pour deux saisons supplémentaires
Coup de projecteur sur la jeunesse de l’ASBH et plus particulièrement à l’endroit de Lucas Daminiani, l’arrière biterrois qui a débarqué dans l’Hérault en ce début de saison. Son parcours, ses idées, son avenir, tout y passe sans langue de bois. Le natif d’Avignon qui a prolongé l’aventure chez les Rouge et Bleu pour deux saisons, compte rendre la confiance placée en lui. Dans le sillage d’un groupe biterrois, où quelques espoirs arrivent à se frayer un chemin, Lucas Daminiani aborde cette fin de saison plein de lucidité et envisage la prochaine avec appétit. Tour d’horizon d’un joueur qui devrait laisser sa carte de visite dans le mundillo rugbystique à plus d’un titre.
BÉDARRIDES, INTRODUCTION D’UNE CARRIÈRE
Premiers pas au sein du club bédarridais jusqu’en cadet 2 ème année, départ pour Narbonne dans la catégorie Crabos ensuite pour l’année suivante intégrer le centre de formation audois. Évoquer par la même occasion, les personnes qui lui ont autoriser d’envisager une carrière : « Nans Barnils (Coordinateur RCNM) est la première personne à m’avoir aidé et soutenu, je lui dois beaucoup. Il a crû en moi et m’a repéré lors des détections sur Narbonne. Cela m’a permis d’être en contact avec le groupe et de m’installer dans la ville. Sébastien Buada (directeur centre formation RCNM) par la suite m’a guidé dans le cheminement » Une initiative au préalable personnelle, pour sortir du cocon local et se donner une chance d’évoluer dans une formation huppée. « J’ai voulu partir de chez moi, en cadet j’ai tenté ma chance. Je n’étais même pas en équipe départementale dans le Vaucluse et j’avais un désir de revanche en moi. Pour prouver qu’on s’était trompé sur mon cas et que je valais mieux que cette considération. »
« DEUX CHOIX M’ÉTAIENT OFFERTS, DONT TOULON »
Nul n’est prophète en son pays, l’adage sied bien à cette situation. Partir c’est bien, mais prouver c’est mieux. Arrive la vérité du terrain et l’incertitude lié à ce sport. Et la récompense qui vous tombe un soir de Mai 2016 avec l’opposition face à Provence Rugby sous le maillot narbonnais. « Une immense fierté sur le moment, un joli souvenir. » Et qui coïncide également avec un changement d’horizon tout proche. Entrecoupé de sélections en Languedoc et en Universitaires utiles pour toujours prendre de l’expérience. « Je savais que j’allais quitter le club. 2 choix m’étaient offerts : Toulon pour continuer mon apprentissage avec les espoirs et essayer de grappiller du temps de jeu avec les plus grands en début de saison du fait des absences de certains internationaux. Mais l’optique était claire, et rester par la suite dans l’anonymat comme beaucoup d’espoirs n’offrait pas de perspectives intéressantes. Du coup, Béziers s’est présenté et Manny Edmonds m’a contacté.Il m’a présenté un projet cohérent et me promettait du temps de jeu si j’étais capable d’élever mon niveau. Je dois beaucoup à Manny pour m’avoir donné ma chance et actuellement à David Aucagne qui m’a fait resigner. Je me suis remis en question quand au changement intervenu et je peux dire que cela se passe très bien avec l’actuel staff où l’on bosse très bien. Ici, j’ai toujours trouvé l’écoute et le conseil et c’est très important pour moi. »
Une évolution permanente qu’il explique par lui-même. « Je travaille beaucoup pour progresser, pris des cours avec un prof d’athlétisme pour peaufiner des détails. J’essaye de mettre le maximum sur une bonne préparation pour être prêt quand on fait appel à moi. » Long apprentissage durant lequel la concurrence, les blessures et les choix émaillent une carrière. Et qui trouve un préambule auprès des siens.
Une ASB peut en chasser une autre. L’actuel club de Bédarrides (solide 3 ème en Fédérale 2) et les Daminiani c’est une belle histoire. L’ASBC plus précisément (puisque Châteauneuf-du-Pape s’est associé depuis 3 saisons). Un club qui représente beaucoup à ses yeux. Et un papa largement impliqué, puisque Philippe Daminiani n’est ni plus ni moins que l’actuel président du club depuis 3 ans. Un rapport fort entre lui et sa famille :« J’ai des rapports fusionnels avec ma famille. En synergie avec mon père et mon frère, c’est pour cela aussi que j’ai fait tous ces sacrifices. Avec Mathias mon frangin (plus âgé de 6 ans) actuellement arrière polyvalent à Bédarrides, dont j’écoute beaucoup les conseils très précieux. Je sais que mes parents sont très fiers et c’est primordial pour moi de compter sur leur soutien. » Un père qui gère aussi une société bien installée dans la région, spécialisée dans la fabrication de pâtes (LUMAFRAIS, la contraction de Lu pour Lucas ainsi que de Ma pour Mathias son frère), avis aux amateurs de spécialités italiennes. Et une passion folle pour le rugby dès le plus jeune âge :« J’étais comme un fou, en collectionnant tous les ballons, les posters. Je me souviens parfaitement quand Béziers était venu rendre visite à Bédarrides en Fédérale 1, c’était le big match. Stade comble, fait rarissime à l’époque pour le club. »
Déjà l’évocation de Béziers dans son esprit et des souvenirs qui remontent. « Quand on partait en vacances à Argelès-sur-Mer chez les Catalans, je voyais toujours sur le bord de l’autoroute le Stade de la Méditerranée et je me suis dit qu’un jour je jouerai là-bas. L’histoire aussi se déroule car mon père à comme ami Sébastien Bruno (ancien biterrois, actuel coach du LOU). Dans ma famille, nous avions très peu de connaissances dans le milieu, Sébastien était le seul joueur réputé que nous fréquentions. Je le suivais attentivement toute sa carrière et quand il jouait les VI Nations.J’ai beaucoup d’admiration pour l’homme. Et je suivais son parcours à Béziers, des souvenirs de Yannick Nyanga, Dimitri Swarzewski, du buteur Féderico Todeschini. J’enviais ce club et cette ferveur présente, ces grands noms qui jouaient. Je suis rentré dans le vestiaire une fois avec Sébastien Bruno et je revois Nicolas Durand, Guy Jeannard, Arnaud Costes avec les yeux écarquillés tellement j’étais content. » Présent dans les tribunes aussi lors de la grosse bagarre générale contre l’USAP. dont tout le monde parle encore dans les chaumières, il était écrit que le chemin de Lucas et de l’ASBH devaient se croiser un jour ou l’autre.
Arrière ou ailier, Lucas Daminiani auteur de 5 essais depuis le début de la saison
RÉUSSIR AVEC BÉZIERS
Ayant un gabarit athlétique, dynamique (1,86 cm pour 86 kilos), loin des standards actuels où le muscle prend parfois trop le pas sur l’intelligence et l’évitement, Lucas Daminiani parvient à s’affirmer et débute en ouverture du championnat contre Agen à la Méditerranée lors de la première journée. C’est Manny Edmonds qui lui annonce, un moment important pour lui : « Je le sais lundi en début de semaine. Très surpris après la séance vidéo. Jean-Baptiste (Peyras-Loustalet) était convalescent, du coup on fait appel à moi. La peur aussi de mal faire m’envahit tout de suite, de prouver qu’on avait eu raison de me faire confiance. J’ai partagé cette annonce avec ma famille, je ne suis pas prêt de l’oublier. » Une certaine pression pour un poste ingrat, de dernier rempart, composante essentielle de la colonne vertébrale du rugby qu’est ce poste d’arrière. « J’ai toujours la pression mais elle reste positive. Cela doit se transformer pour me permettre de bien figurer et jusqu’à présent cela s’est toujours plutôt bien passé. Tu peux passer au travers mais il faut toujours donner l’envie. Du coup on se recentre sur l’essentiel, la défense et conserver la gonfle quand on prend l’initiative et faire vivre le jeu. Je suis peut-être moins costaud que d’autres, mais j’y met toute mon énergie et j’essaye d’être appliqué sur tous les ballons aériens. »
« JEAN-BAPTISTE PEYRAS M’AIDE ÉNORMÉMENT »
Les chiffres sont parlants (5 essais inscrits, 10 titularisations pour 16 apparitions, 790 minutes). S’attendait-il à autant disputer de rencontres ? « C’est très positif, je progresse quand on me donne la confiance. J’ai seulement 21 ans, j’ai déjà vécu de grands moments notamment à Agen où c’était fabuleux. » Grandir, acquérir une légitimité, apprendre de ses erreurs pour essayer de se rendre indispensable. La concurrence ? « Jean-Baptiste Peyras-Loustalet m’aide énormément, dans les jumps et le placement, il me parle beaucoup, sa carrière plaide pour lui. Nous avons deux styles différents et donc complémentaires. Chaque fin d’entraînement il reste avec moi pour peaufiner, un regard suffit pour se comprendre. C’est très appréciable d’avoir cette relation car j’ai beaucoup à apprendre de lui. » Les qualités d’ailleurs pour y évoluer ? « Amener de la vitesse, être aussi finisseur. Propre sur les ballons hauts et créer l’incertitude. » Une saison aussi contrastée, avec un automne difficile :« Pour ma première année, tu as la peur de la descente. Pour Béziers et tout ce que ça représente. On s’est accrochés dans le travail, on a écouté le discours des présidents avec le changement de staff. La coupure est arrivée aussi au bon moment pendant la trêve qui aura permis à tous de changer les idées et de repartir sur un autre championnat. » Et une phase retour 2017 de haute volée.
L’arrivée du duo David Aucagne/David Gerard aurait pu rabattre les cartes, il n’en est rien, bien au contraire (6 titularisations, 2 remplaçants sur la phase retour l’atteste) .« Le côté humain est très important. Avec David Aucagne c’est clair, le management est très différent. Le discours est direct, précis. On fait des séances supplémentaires pour travailler mon jeu au pied et plein d’autres détails. Tout le monde adhère. Pareil avec David Gerard qui me demande de rester comme je suis. Ils ne sont pas restrictifs et me donnent beaucoup de crédit. » Un mot aussi sur Nicolas Szesur, l’actuel préparateur physique de l’ASBH : « Il tient un rôle important dans mon évolution. Il nous donne toujours des objectifs à atteindre, j’ai des résultats incroyables à la salle de musculation et dans le quotidien. Il gère les blessures et optimise notre état de forme. Son travail est prépondérant dans le club. Il s’adapte à chaque situation. » Et les rapports avec ses coéquipiers :« J’apprends de tout le monde. Josh Valentine, Lachie Munro, Jordan Puletua ont chacun des choses à te donner. Malgré la barrière de la langue parfois, on se comprend très bien. Et le rugby c’est universel. » La défaite contre Montauban pour revenir à l’actualité ? « On a perdu cette invincibilité à domicile en 2017, mais on va tout faire pour se relancer dans ce dernier bloc. On est tombé sur une équipe de Montauban qui a bien joué le coup. Leur jeu était en adéquation avec l’arbitrage. Tant mieux pour eux, mais il faudra s’en souvenir dans l’avenir. »
« JE N’OUBLIE PAS QUE BÉZIERS M’A OFFERT MA CHANCE »
L’apport logique de l’arbitre international biterrois Alexandre Ruiz auprès de l’équipe aussi en cette fin de saison et pour la prochaine, pour corriger ces errements et dresser un profil psychologique auprès de l’homme en vert et appréhender toutes formes de situations. Une défaite qui n’autorise plus les rêves les plus fous, mais qui doit amener le club à bien terminer cet exercice. Un objectif avec Béziers ? « Jouer une demi-finale à domicile sans hésitation et la partager avec nos supporters. » Un contrat signé pour deux saisons supplémentaires d’ailleurs qui pourrait lui permettre qui sait d’envisager cette espérance. « Ma priorité était de rester à Béziers. Je n’oublie pas que grâce à ce club, on m’a offert ma chance. Narbonne s’est manifesté aussi à ce moment là, mais je n’occulte pas que l’ASBH a aussi acheté mes indemnités de formation (quelques milliers d’euros) l’année dernière. Donc j’ai signé mon premier contrat professionnel avec Béziers avec beaucoup d’envie. Sébastien Bruno m’a conforté dans ce choix également ». L’aventure continue.
L’environnement du club, l’évocation de l’ASBH, son ressenti sur les supporters :« J’ai eu des frissons pour mon premier match contre Agen. Avec l’ambiance de la fanfare, les Yeux d’Émilie, les tifos, les couleurs c’est énorme. Les supporters sont bienveillants et ils sont très chaleureux. J’accepte la critique cela ne me pose aucun problème. La ferveur est perceptible sur le terrain. Et j’espère connaître de grands moments avec eux comme à Armandie face à Agen. » Une réputation qui n’est plus à faire, un public exigeant mais fidèle comme jamais. Et ce port du casque ? « Je le porte depuis toujours, impossible de m’en séparer et de jouer sans. Depuis que j’ai 5 ans je le porte et je me sens mieux avec. » Et qui du coup le différencie de loin, merci pour les commentateurs à la vision incertaine (pour la curiosité, Lucas quand il rejoint « son pays » comme il le dit, commente parfois aussi sur la radio locale pour Bédarrides).
Ce rugby qui nous passionne tant, un sport d’évitement devenu quasiment un sport de collision ? « La vitesse revient à la mode. Regardez Vincent Rattez à la Rochelle qu s’en sort très bien. Bien sûr les physiques sont impressionnants. Je pourrai gagner quelques kilos supplémentaires mais peut-être au détriment d’autres arguments. » Son club préféré : »Bédarrides sans hésitation ! Bordeaux-Bègles à leurs meilleures heures, La Rochelle actuellement c’est un régal. » et son joueur : »J’aurai dit mon frère mais au plus haut niveau un certain Carlos Spencer pour son rugby. Ici, je suis admiratif de Jordan Puletua c’est une machine. Jean-Baptiste Peyras-Loustalet pour sa sécurité, Josh Valentine, sélectionné avec les Wallabies et qui dégage un grand respect ». Voilà le portrait d’un jeune espoir en pleine ascension, droit dans ses bottes avec un certain degré de maturité à son actif, ayant une grosse marge de progression qui aspire à porter haut les couleurs des Rouge et Bleu. C’est tout le mal que nous lui souhaitions.
Les conditions de l’interview :
→ RDV 14H00 pétante (Lucas plus ponctuel que l’interviewer)
→ Un joli soleil avec une température printanière en terrasse
→ 1h30 de conversation au total
→ 2 cafés et un Perrier pour tenir le coup
→ Lieu : Brasserie La Coupole dans la galerie de Géant
→ Ambiance détendue, à rééditer quand l’année prochaine nous serons en demi-finale à domicile !
Propos recueillis par Rémy RUGIERO