INTERVIEW. A mi-championnat, Pierre Caillet dresse un bilan « mitigé »

02/01/2022

A l’occasion de la trêve hivernale, l’entraîneur principal de l’ASBH, Pierre Caillet, dresse le bilan de la première partie de saison de son équipe, calée en milieu de classement, à la 9eme place (30pts), avec autant de retard sur la sixième place qualificative pour les phases finales que d’avance sur la 15e place (10pt). 7 victoires, dont 2 à l’extérieur, 8 défaites, dont 2 à domicile, Béziers a connu une phase aller sur courant alternatif, marquée par un troisième bloc avec un seul succès en cinq rencontres. Interview.

Après 15 journées de ProD2, l’ASBH se classe à la 9eme place avec 30 points au classement général : quel bilan tires-tu de cette première partie de saison ?

Le bilan de cette phase aller est mitigé pour ma part. D’abord comptablement. Nous pointons à la neuvième place du classement, ce qui n’est pas satisfaisant. Surtout quand on pense que nous avions, la plupart du temps, les cartes en mains pour mieux faire avec, selon moi, des points laissés en route sur certains de nos matchs à la maison (notamment Narbonne et Rouen), mais aussi sur nos matchs à l’extérieur (contre Bourg-en-Bresse, Carcassonne et Vannes) qui auraient pu être bénéfiques avec plus de maîtrise, de discipline et de jeu et nous rapprocher de cette sixième place tant convoitée. Et le bilan n’est pas encore équilibré avec 7 victoires pour 8 défaites.

Point positif tout de même, nos deux victoires à l’extérieur assez rapidement dans la saison, qui rattrapent nos deux défaites à la maison et qui nous permettent d’avoir un classement britannique presque équilibré à ce jour.

Les 10 premiers matchs sont positifs et valident une place de sixième au classement général puis un troisième bloc de cinq matchs compliqué lors duquel nous avons peiné à nous adapter à ce rugby d’hiver, être constant, efficace et où notre effectif a été touché par de nombreuses blessures. Cela a tout de même permis de voir l’émergence de certains joueurs de notre effectif peu utilisés sur la première partie de saison.

« Nous sommes inconstants dans le fait d’imposer nos forces »

Pierre Caillet

Autre point positif, l’état d’esprit de l’ensemble du groupe. Que ce soit dans les moments de réussite mais aussi de difficulté, tout le monde est solidaire. C’est important et nous devons nous appuyer dessus pour la suite de la saison.

En terme de jeu, le bilan est mitigé également. Nous sommes encore inconstants dans le fait d’imposer nos forces à nos adversaires. Nous passons d’une bonne défense à une défense peu hermétique, d’un jeu au pied d’occupation dominateur puis devenu stérile, un jeu offensif d’abord réduit puis qui prend de plus en plus de responsabilité sur les derniers matchs du bloc. À nous d’être le plus consistant possible quel que soit le moment de la saison sans vouloir tout remettre en cause après chaque petit déraillement.

Nous devons revoir également notre discipline et surtout continuer notre travail sur la conquête, secteur qui nous offre une certaine stabilité dans la compétition. Au final, nous devons continuer d’être exigeants, se pousser à être meilleur individuellement, collectivement, chercher à équilibrer nos différents secteurs de jeu pour être l’équipe la plus compétitive possible.

Cette année, l’effectif semble être bâti pour être plus compétitif que le précédent. Mais à ce jour partages-tu le constat sur les difficultés dans l’alternance avants/trois-quarts, des ballons hauts offensifs peu disputés ou encore avec une domination dans la gestion du jeu au pied qui s’est étiolée, notamment après la blessure de Lionel Beauxis ?

L’effectif a été renforcé cette année pour être compétitif et répondre à un championnat où le niveau de jeu progresse chaque année. Nous avons un effectif homogène composé de joueurs d’expérience, de joueurs en pleine progression mais aussi de jeunes issus de notre formation.

Effectivement, nous avons besoin d’être plus complets dans notre alternance de jeu pour ne pas sur-utiliser un secteur en particulier et devenir lisible. Nous travaillons dans ce sens. Il faut trouver la bonne alchimie, les bons automatismes et s’adapter bien sûr aux différents profils et différentes qualités des joueurs dont nous disposons pour devenir une meilleure équipe offensivement.

Le jeu au pied d’occupation et de pression est énormément utilisé dans le rugby actuel. Sous ou sur-utilisé parfois pour certains, c’est un secteur qui a plutôt bien fonctionné en début de championnat et dans lequel on peine désormais à être constants et dangereux. Il faut retrouver la bonne alternance et la précision nécessaire selon les joueurs alignés pour mettre en difficulté nos adversaires en les repoussant dans leur camp ou provoquer des turnovers à la suite des duels aériens gagnés, ce que nous devons clairement renforcer pour ne pas rendre stérilement le ballon !

Les ballons portés, véritable arme offensive ! Ce secteur a été la grosse satisfaction et valorise le très bon travail général des avants (19 essais marqués par les avants depuis le début de la saison) ! A contrario la discipline, le manque de maîtrise ont été deux éléments très pénalisants. Quelle est ton analyse sur ces sujets ?

Quand on parle d’identité de jeu à Béziers, on parle forcément de la conquête et du jeu d’avant. Ce travail a commencé il y a presque deux ans maintenant. Il est fait d’investissement, d’automatismes, de précision et de compréhension entre les joueurs. Le travail paye. Il y a très peu d’équipes cette année sur cette phase aller qui nous ont posé des problèmes. C’est un bon point. Tout cela se retrouve aujourd’hui grandement sur la touche et spécialement les ballons portés. C’est un secteur collectif sur lequel nous bossons énormément et régulièrement afin de mettre nos adversaires dans la difficulté. Nous sommes l’équipe la plus efficace du championnat sur le secteur en terme d’essais inscrits et nous sommes également la meilleure défense du championnat sur ballons portés. Très clairement, cela nous a permis d’être compétitifs offensivement et défensivement sur certains de nos matchs. 

Mais nous ne pouvons pas nous reposer seulement sur cette arme si nous voulons constamment perturber nos adversaires. C’est aussi un secteur de jeu dans lequel il faut sans cesse innover tant il est analysé et pisté par les adversaires du week-end. Chaque match est différent, indécis. On ne peut jamais se reposer sur ses acquis. Le championnat est toujours difficile sur le secteur quelque soit les équipes rencontrées. À nous de continuer le travail, de gommer également le manque de précision sur certains de nos lancers et de faire en sorte que cette domination continue.

« Nous sommes l’équipe la plus efficace sur les ballons portés »

Pierre Caillet

En mêlée, notre tenue est en progression. Nous arrivons petit à petit à trouver la bonne stabilité ainsi que la bonne organisation afin de nous montrer propres et efficaces et de nous offrir des pénalités et des options de jeu sur le secteur (l’essai de Pierre Courtaud à Vannes en est l’exemple). Nous avons de jeunes joueurs au poste qui progressent chaque semaine et qui, j’en suis sûr, accompagnés des plus vieux seront dominateurs dans très peu de temps. 

Pour être le plus complet possible et coller au maximum à notre identité, il manque encore, selon moi, cette puissance et cette rudesse nécessaires à une certaine domination dans le jeu courant. Nous devons renforcer notre agressivité, notre intensité quand nos avants portent le ballons, plaquent ou rentrent dans une zone de ruck. Je pense sincèrement que nous pouvons encore élever notre niveau de jeu à ce sujet. En tout cas, ce qui ne nous manque pas, collectivement, c’est l’état d’esprit et l’investissement !

A contrario, il nous faut effectivement faire preuve de beaucoup plus de maîtrise, de sang froid et de de concentration, d’être disciplinés dans nos temps faibles et ne pas vouloir, sur chaque action, sauver la patrie individuellement car, pour moi, cela occasionne d’être pénalisés régulièrement. C’est un secteur qui demande encore du travail et plus d’expérience. Nous sommes la cinquième équipe la plus pénalisée du championnat ! Notre salut passera forcément par un meilleur équilibre entre intelligence, motivation et lucidité sur le secteur réglementaire pour la suite de la saison.

Depuis quelques matchs, le jeu d’occupation a été beaucoup moins utilisé. On a pu constater des prises d’initiative pour jouer, enchaîner les temps de jeu même si des erreurs techniques ou des manques de soutien ont annihilé ces prises d’initiative. Est-ce une volonté d’être un peu plus ambitieux, de rendre moins vite le ballon à l’adversaire et ainsi moins subir défensivement ?

Il faut que nous progressions forcément ! On ne peut pas se satisfaire des intentions de jeu de certains de nos matchs. Oui, nous avons demandé aux joueurs de prendre plus d’initiatives, nous voulons être plus ambitieux offensivement et l’on demande constamment aux joueurs de lever la tête, de regarder les opportunités car sur chacun de nos matchs, il y a la possibilité de jouer plus ou de faire cette passe supplémentaire pour aérer notre jeu.  

Cette volonté est aussi venue du fait que notre jeu au pied de pression et d’occupation était moins efficace sur le troisième bloc. Il nous a semblé important de trouver des solutions afin de continuer de provoquer des choses collectivement en tenant compte des qualités des joueurs du moment. Garder le ballon est une forme de stratégie qui nécessite énormément d’énergie, de conservation, de prise de décision et surtout de technique individuelle et nous avons pu constater que dans ce secteur, nous avons également besoin de progresser. Nous sommes capables de multiplier les temps jeu en gardant le ballon : il nous faut maintenant mettre plus d’intensité et de sensations dans nos intentions pour prendre nos adversaires de vitesse.

Après il ne faut pas non plus sur-utiliser ce style de jeu au risque de se faire contrer dans un championnat où les défenses prennent souvent le pas sur les attaques. À nous, stratégiquement, d’avoir une bonne alternance de jeu entre possession et dépossession selon les équipes rencontrées, ce qui nous permettra d’être le plus efficace possible.

Sans vouloir se cacher derrière les blessures pour justifier les résultats de ce troisième bloc, comment expliquer cette hécatombe ?

Notre effectif a été fortement impacté par les blessures surtout sur la fin de la phase aller. À y regarder de plus près, chaque équipe traverse une période similaire dans la saison. Il faut bien évidement prendre en compte que le championnat évolue chaque année au niveau de l’intensité et, de ce fait, occasionne plus de blessures certainement.

Le Covid expose t-il les joueurs à plus de blessures ? Il est difficile, malgré nos recherches et au vue des diverses blessures constatées, d’incriminer un secteur en particulier. Tous les secteurs sont en relation, tous les secteurs méritent une amélioration si nous voulons être le plus performant possible.

Clairement, nous pouvons influencer sur des facteurs internes à notre préparation (durée, nombre d’entraînements, préparation physique, récupération, utilisation du joueur, surface de jeu etc…) mais il y a des facteurs externes (sommeil, hygiène de vie, pré-habilitation aux blessures etc…) que nous pouvons difficilement influencer ou surveiller et qui méritent une responsabilité individuelle qui doit être aussi renforcée.

Que peux-tu nous dire au niveau des blessés ?

Pour l’instant, nous espérons retrouver une bonne partie de notre effectif mi-janvier. Nous verrons aussi, au retour des vacances, si des joueurs sont positifs au Covid, nécessitant des périodes d’isolement ou des reprises d’entraînements différées.

Normalement, certains joueurs comme Clement Bitz, Sias Koen, Pierre Gayraud, Romain Uruty ou encore Jeff Williams, en reprise physique durant la trêve, pourraient peut-être postuler pour le second match du bloc. La reprise de Lionel Beauxis est plutôt actée fin de bloc. Les autres continuent leur rééducation et la plupart seront de retour début du mois de février.

Dans une deuxième partie de l’interview publiée lundi, Pierre Caillet évoquera le changement de staff connu cet été, l’objectif pour le reste de la saison, le recrutement mais aussi son lien avec l’ASBH.

Propos recueillis par Cédric Ferrères
Photos Thibaut Clariond