Ces dernières saisons, un désormais ex-joueur de l’ASBH a marqué de son empreinte son passage dans le club. Arrivé fin 2016 alors que l’équipe était mal embarquée, il contribua au redressement du XV biterrois, puis participa à la qualification historique pour les phases finales en endossant même le rôle de capitaine. Tout jeune retraité, Jonathan Best revient avec nous sur sa carrière, son passage en Biterre jusqu’à l’été 2021 et son avenir. Interview.
Bonjour Jonathan. Tu viens de terminer ta carrière de joueur là où elle avait commencé, à Romans-sur-Isère : la boucle est bouclée ?
Je ne sais pas si la boucle est bouclée mais j’avais besoin de retrouver le monde amateur dans ma ville et c’était bien d’accompagner le club dans son projet. Ce n’était pas une saison de tout repos mais j’avais besoin de ça aussi pour l’équipe nationale d’Algérie !
Beaucoup de projets pour ton futur à travers l’enseignement, ton rôle au sein de ce club de Romans… Peux-tu nous en dire un mot ?
J’ai toujours eu une autre vie en dehors du rugby. Entreprendre, créer, transmettre… ça me motive. Ça va faire six ans que j’enseigne, mais il n’y a pas que ça. J’accompagne depuis mars le club de Romains sur le développement du club et le partenariat. C’est intense et riche et ça permet de pas m’éloigner trop vite du rugby.
Revenons sur ton passage à Béziers et notamment ton arrivée. Nous sommes fin 2016. C’est Romain Carmignani qui te contacte avant de se faire remercier. L’ASBH est alors mal embarquée en ProD2, mais tu relèves le défi !
Je devais signer à Béziers sous l’ère Edmonds/Carmignani. C’est Romain qui m’avait contacté. Je les ai rencontrés, ils avaient besoin d’un avant polyvalent avec de l’expérience. Deux semaines après, ils n’étaient pas gardés. Au final, les deux David (Aucagne et Gérard) ont confirmé que ça les intéressait eux aussi. C’était moi ou Jean-Pierre Pérez à l’époque… Un Catalan à Béziers ? Vraiment?
S’en suivent de belles saisons avec, en point d’orgue, une qualification pour les phases finales ! Une saison assez incroyable avec un engouement des supporters à domicile mais aussi à Colomiers, Narbonne , Carcassonne, et Mont-de-Marsan. Tu avais alors découvert un vrai public de passionnés et de connaisseurs selon tes dires !
La première (demi) saison était déjà forte parce qu’il s’agissait de sauver le club. La seconde a été fantastique après un mois de novembre désastreux (défaites Angoulême et Narbonne à la maison). Et puis la victoire à Perpignan en janvier a donné le ton. Je reste persuadé que si on avait fait le barrage contre Mont-de-Marsan chez nous, ça aurait été très fort. Mais je n’oublie pas les déplacements à Narbonne, Colomiers et bien d’autres qui nous ont fait vibrer très fort et partager avec le public des moments à jamais gravés dans ma mémoire.
Lors de cette saison pourtant, tu te permets une sortie médiatique après les deux défaites à domicile contre Narbonne et Angoulême (les deux seules de la saison) : « si j’ai signé à Béziers, ce n’est pas pour jouer le maintien. » ! Tu t’en souviens ?
Je n’ai jamais eu ma langue dans ma poche et ces deux défaites étaient lamentables vu l’effectif que nous avions. Je n’ai pas changé et je ne changerai pas : quand j’ai envie de dire merde à quelqu’un, je le dis.
Puis les coaches te confient ensuite le brassard de capitaine. Forcément une fierté mais aussi l’envie de montrer que tu pouvais encore être utile après ta mise à l’écart du FC Grenoble ?
Le brassard, c’était fort. Je l’ai pris en cours de saison mais j’arrivais après François Ramoneda, un des grands joueurs de Béziers. Cela s’est déroulé huit mois à peine après mon arrivée et certains n’ont pas compris. Je pense avoir assumé ce rôle même s’il demande plus d’énergie.
Par la suite, tu as connu des moments plus difficiles ensuite avec le Covid, l’épisode Emirati, des comportements de certaines personnes auprès de tes proches … Cela t’a marqué mais. Sans toutefois te faire oublier tous les messages de soutien et les bons moments en rouge et bleu ?
J’ai été détesté par des gens qui me badaient quelques mois avant… Je n’ai pas compris. J’étais le seul joueur dont le nom a été cité dans la presse et qui ne faisait pas partie du projet émirati. Qui ne peut pas comprendre que je voulais rester avec les gens avec qui j’avais choisi de travailler ? Ceux qui m’ont menacé ont été minables mais je ne leur en veux pas. Quel supporter ne rêve pas d’un projet annoncé à 16 millions d’euros ? J’ai assumé, comme toujours, et je suis resté droit dans mes bottes.
Sur un plan plus personnel, tu as toujours essayé de mettre en avant les notions de collectif, des valeurs et une dimension humaine à tes fonctions. Est-ce encore possible dans un sport qui s’est drôlement professionnalisé, médiatisé ?
Le rugby reste encore le sport collectif le plus fort, celui qui accepte tout le monde. L’individu a sa place dans le collectif mais il n’est rien sans ses coéquipiers. Je suis resté moi-même en répondant aux sollicitations des clubs aux alentours de Béziers et des supporters, ça fait partie de notre mission de joueur pro. Ce sont les valeurs que j’aimerais transmettre à mes enfants.
De ton côté, continues-tu à suivre l’actu de l’ASBH ?
Bien entendu que je suis attentivement les résultats de Béziers. Mais j’avoue ne plus regarder les matchs, je n’ai pas suffisamment de temps pour ça et j’ai peur de me dire que ça me manque.
Que manque-t-il à Béziers pour espérer jouer le top 6 de la ProD2 à ce jour ?
Béziers ne peut pas rivaliser avec les équipes qui ont des gros moyens financiers (Nevers, Aix, Oyonnax,…). Il faut parier sur la formation, sur l’attachement au club, sur l’histoire et les valeurs. Mais quand un jeune reçoit une proposition financière ailleurs deux ou trois fois plus importante, comment lui reprocher d’y aller? C’est le lot de tous les clubs dans les villes moyennes : former, perdre ses meilleurs jeunes, former, puis recommencer
D’ici peu, l’ASBH démarre sa préparation contre Grenoble à Sauclières avant d’entamer le championnat par un déplacement à Grenoble ! Un petit pronostic ?
Sauclières est un endroit dans lequel on ressent une âme. Mais le rugby n’est plus le même, il ne faut pas comparer. Grenoble semble en difficulté et Béziers continue de faire avancer ses jeunes. Les matchs amicaux n’ont aucune valeur, ça sert aujourd’hui de préparation car il n’y a pas de pression. Ce qui compte c’est la vraie compétition !
On ne peut pas omettre de parler de tes sélections avec l’équipe nationale d’Algérie qui, depuis plusieurs saisons, progresse sur le plan mondial…
C’était très dur pour moi de regarder l’équipe nationale à la télé et de ne pas y être. Mais j’ai trop sacrifié ma famille pour le faire encore. L’Algérie a un bel avenir et doit trouver des équipes européennes pour jouer et comprendre ce qu’il manque encore pour être une belle nation du rugby mondial.
L’interview express
Le joueur qui t’a le plus impressionné ?
Beaucoup de joueurs m’ont impressionné, que ce soit mes coéquipiers ou mes adversaires. Je sais que le rugbyman est susceptible alors je te dirai tout le monde.
Le meilleur à la 3eme mi temps ?
Cette fois-ci, aucun doute sur les trois champions du monde de l’apéro : Antoine Robichon avec qui j’ai joué en universitaire, Thomas Trautmann et Yannick Lucas que j’ai croisé à Grenoble.
La personne qui t’a le plus inspiré ?
Étant donné que j’ai joué l’essentiel de ma carrière au poste de 3e ligne aile, j’ai beaucoup observé Richie McCaw, sa capacité à être toujours à la limite. Le type insupportable. Comme moi non?
Le plus grand chambreur ?
J’aimais bien l’humour acide de Jean Baptiste Peyras. À Grenoble j’avais croisé le regretté Xavier Cambres (finaliste en 93 avec Grenoble). Un phénomène
L’entraîneur qui t’aura le plus marqué ?
J’ai eu de la chance d’avoir (presque) que des entraîneurs qui m’ont aidé à grandir et à progresser. Mais je dois remercie celui qui m’a ouvert les portes du rugby à Grenoble, Gilles Pichon Martin. Il voulait me garder 15 jours à l’essai en Reichel… J’ai fait 15 ans et 240 matchs chez les professionnels grenoblois.
Ton plus grand souvenir de sportif ?
Tous mes souvenirs sont forts, que ce soit positif ou négatif. Le rugby est un vecteur essentiel d’émotions. J’ai tout aimé, du pire comme du meilleur. Ça me servira pour ma deuxième vie qui commence
Propos recueillis par Cédric Ferrères